Raid In France 2015 : hors course

Raid In France 2015… ça sonnait pour nous comme une revanche. Après une fin d’année 2014 particulière, après un gros vide, après une première partie de saison au fil de l’eau, nous abordons l’été avec une motivation pour ce RIF bien différente de l’an passé. Toutefois, les newsletters  et quelques belles sorties en nature aidants, les dernières semaines s’amorcent avec une pointe d’appréhension, de stress et de motivation, signe intérieur que l’envie est là.

Hauteville Lompnes, lundi 14 octobre :

Nous avons récupéré Sabrina à l’aéroport et filons vers le département de l’Ain et ses richesses qui ont retenues l’attention de l’organisation et qui devrait nous livrer, au cours d’une semaine intense, tous ses secrets.  Après un premier passage au centre de course où nous retrouvons, avec toujours autant de plaisir, l’équipe d’organisation qui, sourire en coin, sait rester secret sur le programme. La météo des jours à venir semble être une des préoccupations principales. Composée d’une Anglaise et de 3 équipiers craignant plus que tout, la chaleur, les précipitations, le vent et le froid annoncés semblent plutôt être de bons présages pour notre équipe. Nous faisons la rencontre de Marie du gite la Maria et prenons nos marques. Nico et Oli font connaissance avec Sab. Les liens se tissent avec déjà de nombreux fous-rires : Sabrina nous explique qu’elle comprend mieux lorsqu’on lui parle en Français…

La journée de mardi est consacrée à la préparation des divers bidons, caisses, et sacs en tous genres. L’habitude aidant, nous effectuons ces différentes contraintes en toute sérénité. L’excitation monte d’un cran avec le briefing… un dernier petit somme au gîte avant le départ à minuit et nous voilà sur la ligne de départ où la pluie fait son apparition.

Le prologue en orientation dans les rues de Hauteville nous permet de faire chauffer la mécanique et de perdre quelques minutes sur le peloton de tête. Nous nous élançons alors dans la forêt sur le premier véritable défi proposé par Pascal et son équipe, un trek de plusieurs heures avec une carte particulièrement obsolète. Rapidement nous recollons aux équipes de tête. Sans faire de gros efforts, nous assurons nos choix. Le rythme est bon et le tri commence à se faire après 3h de course. Dans une descente sur un chemin boueux, accompagnés des copains d’Arverne, Sab chute et se plaint rapidement d’une douleur au genou. Nous stoppons pour constater qu’elle est salement entaillée. La plaie est profonde sur toute la largeur de la rotule : de mauvaises pensées nous transpercent, on tache de nettoyer au mieux et apposons un pseudo pansement sur la blessure de Sab et dans nos tronches. La miss souffre mais sert les dents. Malgré tout, notre rythme est ralenti t’autant plus que de nombreux passages se font hors chemins dans des travers peu commodes. Je tente de faire des choix d’orientation les moins tordus possibles en empruntant au mieux les sentiers cartés. En approche de la balise 6, après avoir croisé les Espagnols plein boudin dans la direction opposée à nous et alors qu’il me semble nécessaire de faire encore quelques centaines de mètres sur un chemin nous apercevons des frontales. Ça semble jardiner… on se laisse influencé et rejoignons la troupe : Raidlight et Les Suisses. Seb et Jan paraissent décontenancés. Le terrain ne colle pas vraiment avec la carte, la visibilité réduite par la nuit et la pluie n’aide pas. Les minutes s’égrainent et plusieurs équipes se joignent à notre déroute. Près de deux heures d’errance avant de prendre la décision de s’orienter plein nord afin de se recaler sur une piste qu’on espère mieux cartée. On tombe alors sur Clément (FMR) et Sam (Ertips) qui ont trouvé le poste et nous donnent les consignes pour le rejoindre : à charge de revanche… Sab souffre toujours et nous laissons nos compagnons de route s’échapper. Je me concentre au mieux afin de ne pas rendre son calvaire trop important et nous naviguons avec une relative fluidité. A une traversée de route, nous profitons de la présence d’un médecin pour faire recoudre la plaie, à vif, dans la pluie et le vent. Sabrina fait preuve d’un sacré courage. On repart aussi sec, après moins d’une heure de stop sous l’impulsion de la miss. Dans la longue montée vers le mont d’Ain nous courrons à un bon rythme. Au sommet les nuages laissent entrevoir de superbes paysages. Les dernières balises sont à nouveau un calvaire. Aucuns chemins ne semblent correspondre à la carte. A plusieurs reprises nous effectuons de longs aller/retour, à tel point qu’on en oublie la blessure de Sab.

Le lac de Nantua où nous apercevons des équipes en Stand Up s’étale enfin à nos pieds. Nous accusons plus de 2h de retard sur la tête. La traversée du lac permet de reposer les guiboles avant une bonne remontée à pied pour terminer cette première douzaine d’heures de course. Nous nous posons moins de questions sur la suite : Sab ne boite plus et semble moins souffrir. Première vérif matos, première transition… nous enfourchons les vélos, je cherche déjà le premier chemin quand, à la faveur d’un coup d’œil derrière pour m’assurer que tout le monde suit, je comprends que c’est fini : Sabrina a les larmes aux yeux, elle descend de son vélo, ne pouvant pas pédaler. La douleur est insupportable. On sent toute la détresse dans son regard. Elle nous dit qu’elle peut courir à côté de son vélo, ce qui nous arrache un sourire… Au regard de la douleur diffuse dans tout le genou le médecin craint qu’elle souffre d’une fracture de la rotule. Rapidement Sabrina nous suggère de continuer à 3. Je lis tout de suite dans le regard de mes compagnons la même chose, Nico l’exprime : « je ne ferai pas deux fois la même erreur !» On s’assure que Sabrina sera bien prise en charge, on lui signifie qu’on laissera le téléphone allumé et qu’elle pourra nous joindre en cas de problème et nous partons avec une petite pointe au ventre. Cette section vélo ne nous laisse pas trop le temps de tergiverser : l’orientation et la carto sont tout aussi complexes que sur le premier trek. Cependant, nous discutons beaucoup et tentons de nous maintenir dans la course. Quelques erreurs grossières en entrainant les Espagnols désespérés dans notre sillage et nous atteignons le départ du kayak après avoir longé un superbe fond de vallon.

Nico décide de faire le kayak en VTT par la route, nous laissant le plaisir de profiter de la navigation. Peu efficace lors de la transition, nous avions encore besoin de parler, il en est tout autre sur la rivière : nous appuyons fort sur les pagaies et apercevons rapidement les copains de Raidaventure.fr au loin. Ils ne semblent pas au mieux, nous tachons de les motiver. Nous rattrapons ensuite l’équipe des Saisies. Les patates sont ultra efficaces et bien remontés sur le premier portage que nous effectuons ensemble. Leur équipe semble bien fonctionnée. Malgré le vent, la nuit qui tombe et le froid, nous prenons énormément de plaisir sur cette navigation et revenons sur plusieurs équipes. On rejoint Nico en moins de 6h, il ne semblait pas nous attendre si tôt. On fait une transition correct pour une fin de kayak et remontons sur les vélos regonflés à bloc : ça y est on est à nouveau dans la course. Le vélo suivant s’enchaine sans entrave. A l’approche du canyon de la Fouge nous trouvons les Suisses étalés au bord du sentier dans les bras de morphée.

Le canyon de nuit est splendide, nous mourrons juste de chaud dans nos combinaisons. La remontée vers la transition est raide mais nous sommes toujours tous les trois dans un état d’esprit positif. Nous croisons l’équipe Cap Opale qui arrive au départ du canyon et  semble marquer le coup.

La pluie intense qui nous accompagne sur le VTT suivant n’entame en rien notre détermination. La dernière descente boueuse glissante et technique nous permet de se lancer des défis. Transition éclair avant de s’élancer dans la longue montée vers la via ferrata qui nous offre, malgré la pluie redoublant d’intensité, un panorama superbe sur la cascade de Charabotte. Passage étroit entre les falaises pour rejoindre enfin Hauteville où nous attend notre stop obligatoire. Nous trouvons les copains de Raidlight qui sont aux coudes à coudes avec les FMR en tête de course. Nous pensons dans un premier temps qu’ils ont déjà effectué leur 3h de repos mais Sandrine, comme à son habitude pleine de fraicheur nous dit qu’ils sont arrivés depuis environ 45min. Incroyable : nous avons repris 2h en une nuit ce qui fait qu’accroitre notre motivation. Sab est là et nous donne des nouvelles de sa blessure : elle n’a pas de fracture, en revanche, elle souffre d’une infection. Nos caisses vélos ne sont pas encore arrivées, nous attendons une trentaine de minutes comprenant bien que, dans les conditions d’organisation actuelles fortement compliquées par la météo, nos caisses ne sont pas la priorité de l’orga. Nous prenons le temps de discuter et de préparer les affaires pour la suite avant de nous rendre dans la zone de repos pour 3h de dodo régulièrement perturbées par les aller et venue des équipes.

Nous repartons en milieu d’après-midi sous un splendide soleil quelques minutes avant les Espagnols qui nous ont repris près d’une heure sur le point d’assistance. Peu importe nous sommes hors course. Cette longue section de VTT nous permet de rejoindre les Plans d’Automnes et le plateau du Retord. Le couché de soleil est superbe même si le froid nous pince. Nous roulons au côté des Espagnols tout en tachant de les laisser faire l’orientation afin de ne pas influencer la tête de course et d’éviter de leur faire gagner de précieuses minutes sur les copains qui sont devant. La nuit tombe et nous accusons le premier coup de moins bien du raid : d’abord en galérant avec une frontale récalcitrante, puis en cherchant désespérément une piste qui se trouve être une simple trace et enfin, dans la montée suivante, en subissant la fatale épreuve du sommeil. Un petit stop de 20min et nous descendons par un nouveau single technique vers le pont du diable et le départ du trek suivant.
Surprise ! Sabrina est là en pleine nuit, gonflée d’enthousiasme. On se ravitaille et entamons une longue traversée à flanc de montagne. La pente est raide et nous progressons en rang dispersé afin de ne pas passer à côté du poste. Une remontée en fond de vallon où la progression est difficile et la fatigue nous envahi à nouveau, Nico se moque des deux zombies qui l’accompagnent. La pluie s’en mêle et nous décidons de profiter du refuge et du confort que procure la chaleur de la cheminée pour faire un nouveau dodo de 30min. Lorsque nous ressortons la pluie semble vouloir cesser. Une longue descente nous permet de rejoindre le fort l’écluse, ses escaliers sans fin et une CO sur une carte quelque peu originale.

Nous atteignons les berges du Rhône et les barques, nouveauté sur ce RIF 2015. Pendant que 2 équipiers rament un troisième guide l’embarcation. Oli et moi nous collons à la manœuvre. Impatient de faire travailler ses bras, le paysan cévenol ne me laisse pas le temps de prendre en main les rames, s’en suit quelques coups de rames, coups de gueule et nous trouvons enfin un peu de coordination. Cette section est tout aussi reposante que plaisante. Chacun profite de quelques minutes de sommeil à l’arrière du navire.

Le trek suivant nous permet de rejoindre la spéléo après avoir remontée le cours d’un ruisseau. Fort du repos bénéfique de la barque, nous progressons bien et atteignons rapidement la grotte mais la montée des eaux dans celle-ci a contraint les organisateurs à annuler l’épreuve. Tant pis, nous continuons notre remontée, lorsque des voix nous alarment en contre-bas. On aperçoit alors Messieurs Vincent Faillard et Hervé Simon qui en quelques enjambés notre rejoignent et nous expliquent qu’ils nous cherchent depuis un moment nous ratant de peu à chaque traversées de routes. On discute un peu, c’est toujours plaisant de trouver des connaissances lorsqu’on est immergé en pleine nature depuis plusieurs heures. Hervé nous informe que les portes horaires risquent de commencer à être serrées pour nous dans la nuit à venir. Il nous dit aussi que les Arvernes ont abandonnés suite à des soucis d’alimentation de David et que Christine se trouve à la transition suivante souhaitant repartir avec nous : pourquoi pas !
On charge donc la miss dans notre sillage et enfourchons les vélos alors que la dernière nuit s’apprête à nous engloutir. Notre progression est bonne, nous avalons le plateau du Grand Colombier et nous atteignons avec plus de 2h d’avance l’avant dernière porte-horaire. Toutefois la longue descente qui s’en suit nous parait interminable, nous dormons littéralement sur les vélos et manquons à chaque épingle de chuter dans le ravin. Toutefois nous voulons passer la dernière porte-horaire avant de s’accorder un stop. On aperçoit enfin le terme du supplice après avoir traversé le marais de Lavours et rejoint le PC : 10min d’avance sur la porte-horaire, ouf ! On cherche rapidement un abri pour couler 1h de dodo mais les organisateurs nous demandent de rejoindre au plus vite le départ du kayak : ils n’imaginaient pas que l’on passe la porte horaire et craignent que l’on retarde le déroulement de la course. On n’en peut plus et décidons de faire comme si nous n’avions pas passé la porte horaire et étalons nos duvets dans un garage. Tant pis nous ne ferons pas le kayak et enchaineront directement sur le dernier VTT.

Presque 3h de sommeil nous permettent de repartir tout neuf. On roule bien et rattrapons rapidement l’itinéraire de cette dernière section. On trouve à nouveau les copains Suisses qui dorment comme des bébés. Une belle remontée nous impose de tomber les couches de gore-tex si confortables durant la nuit et nous apercevons, en traversant un bourg, des raideurs allongés sur le bas-côté, qui est-ce ? On s’approche et découvrons sous les couvertures de survie Baptiste et Lucie du Team FMR… Que font-ils ici, eux qui encore cette nuit jouaient la gagne, à dormir à moins de 30km de l’arrivée ? Ils nous éclairent rapidement, Clem et Jojo dorment chez l’habitant, ils sont malades. Le sympathique hôte s’approche alors, nous laissant découvrir des images que je ne pensais visibles hors de Lozère… on ne comprend pas un mot de ce qu’il raconte, ses vêtements n’ont jamais connu que le lavoir, un chien sort du taudis pisse sur le montant de la porte et retourne à sa paillasse. L’odeur qui s’échappe est immonde et les deux loulous dorment dans le lit de ce cher monsieur… ils n’ont pas fini d’être malades… on frappe à une maison voisine afin de se faire offrir un café bienveillant accompagné de quelques biscuits chez une dame adorable. Nous abandons les copains non sans leur souhaiter bon courage, et nous dirigeons vers le final de cette aventure. Les derniers kilomètres ne sont pas donnés, il faut toujours assurer en orientation et donner de la pédale. On rejoint enfin Hauteville et la ligne d’arrivée de cette aventure dont on a, malgré notre abandon prématuré, pu gouter la substantielle sève.

Les copains de Raidlight remportent un nouveau succès se qualifiant ainsi pour les mondiaux au Brésil. Soyez bons, toute la France sera derrière vous.

Et, si on vient pour faire la course, car au fond de nous, nous restons des compétiteurs, si nous n’avons pas atteint l’objectif suprême, si un nouvel abandon est frustrant, l’aventure vécue est belle et reste prévalente. Nous avons même réussi à faire abstraction de la mise hors course pour se projeter dans la bagarre, pour progresser et relever les défis proposés par le traceur. Ce n’est finalement qu’après l’arrivée que nous avons réellement ressenti le poids de l’abandon. Mais le traumatisme est moindre. Une nouvelle page de Raid In France vient de se tourner. Raid In France reste une manche phare du circuit ARWS tout en restant organisée par des bénévoles, quels bénévoles ! Ne changez rien si ce n’est le terrain de jeu pour découvrir encore et encore de nouveaux horizons, de nouveaux levés de soleil, de nouvelles galères, de nouveaux canyons, de nouveaux sommets… De nouveaux frissons.
Merci !