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Championnat du Monde 2012 en France

Ça commence par des flashs, comme des coupures de réseau, l’impression d’avoir perdu connaissance un dixième de seconde, rien d’alarmant…
Mais le malaise grandi : obliger de se concentrer et se re-mémoriser le contexte, "Mercantour – section vélo de Raid In France – Concentre-toi, assure l’orientation…".
Ça devient de plus en plus pesant : les temps de lucidité semblent, maintenant, moins fréquents, moins long que ceux de déconnexion. L’effort pour rester dans la carte est conséquent d’autant plus que la nuit tombe.

Le rapport à la réalité se fait de plus en plus rare, ça doit être un rêve, mais parfois l’angoisse reprend le dessus : « lis la carte et tente d’anticiper au moins une intersection ! »
La sensation de perdre pied, pire que l’ivresse de l’alcool, le cerveau fonctionne de manière saccadé, rester éveillé, se souvenir qu’il y a un itinéraire à suivre, oui l’itinéraire, où sommes-nous ?
Ma tête bouillonne, l’angoisse me submerge, il faut impérativement en terminer avec cette section, où est donc ce foutu poste ? L’impression que l’étau se referme que le temps est compté… Mais peut-être suis-je simplement dans un de ces maudits cauchemars où l’on veut courir mais les jambes restent encrées au sol.
Non je le sais, ne pas se faire rattraper, ils ne sont pas loin, faut aller vite… je perds complètement pied, le tourment m’envahit. A droite, non à gauche, je ne sais plus, terreur, détresse, effroi…

Commencement un vendredi en fin d’aprem. Même si avant il s’est passé énormément de choses plus ou moins directement liées : téléphone ; réflexion ; re-téléphone ; re-réflexion ; décision (difficile) ; re-décision (toujours aussi difficile) ; accouchement ; entraînement ; préparation ; re-entraînenement ; vacances (euh non entraînement !) ; confiance ; appréhension ; mal au dos ; crainte ; préparation ; voyage ; gestion ; gastro… et on y est il est 18h !

 

Un tour de village à 17 à l’heure, j’attrape la carte dans les premiers et m’écarte, j’aperçois Oli, Den’s, Sandrine, le compte y est, un coup d’œil à la carte et je relève les yeux pour apercevoir une masse de coureurs se diriger vers le Nord : « venez ! » et on part plein Sud. On enchaîne les postes à un rythme effréné la photo aérienne ne comporte pas de grosse difficulté, on retrouve la masse sur la partie haute et redescendons ; les balises au Nord du village pour finir… tout simplement 1er !!! du prologue. On le sait, ça ne sert pas à grand-chose pour ne pas dire à rien, mais on aura été en tête du championnat du monde de raid !

Une courte nuit agitée, le départ étant à 4h, et nous voilà sur nos vélos pour un (deuxième) départ, fictif celui-là. On se rend ainsi en convoi à Ailefroide. On retrouve nos caisses haute-montagne et préparons les sacs pour la première section. Celle-ci a été raccourcie et remplacée par un trek car la praticabilité d’un des glaciers est délicate. 6h, (troisième) départ : on s’élance donc en tête. Quelques minutes pour comprendre le road-book modifié ainsi que les cartes bis et en route vers les sommets. Il y a déjà une bonne file de frontales et le rythme est soutenu.

Le jour se lève, nous sommes avec les copains (Adri, Seb, Sonia et Cyril). On arrive au glacier, le temps est splendide, tout autant que les paysages. On cramponne et effectuons l’aller/retour au col du Sélé : superbe ! La redescente se fait un poil moins vite puisque le temps mini imposé est de 7h30 et nous sommes en avance sur celui-ci. Malgré tout, les sensations sont plutôt médiocres en ce qui me concerne…
Stop de 1h15, durant lequel nous traçons l’ensemble des cartes qui nous ont été fournies (4 sections à venir).
(Quatrième) départ, et le bon ! On déboule plein gaz à VTT sur un magnifique sentier qui ne laisse présager que de belles choses. 5km, on pose les vélos pour repartir en trek. La chaleur est pesante et dès le départ je souffre. Une première ascension en plein soleil nous amène dans un superbe vallon mais déjà je sens que ça va être dur. Den’s n’est pas vraiment à la fête non plus : la gastro s’occupe de son cas. Oli et Sandrine quant à eux baladent paisiblement. Nouvelle ascension, Oli me tend l’élastique puis Denis en profite aussi un peu. Devant c’est parti très vite et le peloton s’étire doucement mais au moindre ralentissement, à la simple pose, plusieurs équipes défilent. On enchaîne une succession de cols dans des paysages somptueux. Le soleil est maintenant bien bas dans le ciel mais les sensations ne reviennent pas pour autant. Je ressens même des vertiges : bizarre, je me sens partir et m’allonge dans la prairie. Mes équipiers surpris s’affolent. Je me souviens des questions qu’ils me posent mais déjà, j’ai en tête de repartir.  La descente finale, est longue, je tache de me ravitailler au mieux et nous reprenons une paire d’équipes.

Lorsque nous renfourchons les VTT la nuit est bien noire. La section est courte et plutôt descendante. Je prends un peu de plaisir après le calvaire que fut le trek précédent. Nouvelle transition avant un long trek dans le massif du Queyras. Sandrine nous rappelle le matos à prendre et à laisser, elle aura ce rôle tout au long du raid qui nous permet de notre côté de ne pas réfléchir à ces notions logistiques. Le trek débute par une remontée de canyon : « le trou du diable », dans lequel nous attendent des remontées sur cordes et une échelle spéléo pour finir. Nous sommes avec l’équipe V-Topo avec qui nous avons partagé une partie de la journée. Une ascension raide dans la forêt puis sur sentier nous permet de nous réchauffer avant de déboucher dans des pâtures puis des rochers. Nous sommes censés cheminer entre des lacs qui doivent être magnifiques mais l’absence totale de lune ne nous permet pas de profiter des paysages. Nous redescendons avec le lever du soleil dans un secteur que je reconnais pour y être passé à VTT. Ce trek est long et la lassitude commence à nous envahir. Nous tachons de maintenir un rythme correct même si nous ne courrons jamais. Le choix de contourner un massif par le bas nous permet de reprendre 3 équipes : rien de tel pour relancer un peu la machine. Ils courent, là où nous marchons, cependant, brouillons dans leur orientation, nous restons devant et entamons la via ferrata au dessus du Guil que nous allons descendre en raft : au vu du débit qui déboule quelques mètres sous nos pieds, tout le monde angoisse un peu. On ne comprend pas vraiment l’itinéraire à suivre ensuite et hésitons à emprunter le lit de la rivière. La vue des Anglais, devant, qui peinent à rester debout dans les remous de l’eau nous décide à passer par un autre itinéraire. Même si la route n’est, me semble-t-il, pas interdite, avec Sandrine il est hors de question de s’y aventurer : on chemine alors dans un chaos de rocher et une végétation dense.

Raft : l’appréhension est palpable. Les consignes nous sont données et on s’élance. On entre vite dans le bain avec des rapides impressionnants, mais Oli assure malgré la difficulté à manœuvrer ce gros raft. Des sensations exceptionnelles. Un coup de stress lorsque Oli se fait éjecter du bateau survol celui-ci pour venir percuter mon casque et se retrouve dans l’eau, coincé entre le bateau et le rocher. Le type est robuste et remonte sans souci dans l’embarcation. Malgré le plaisir nous laissons de l’énergie pour décoincer le bateau qui se pose régulièrement sur des rochers. On termine la section en fin de journée et savons maintenant que nous ne pourrons embarquer sur les kayaks car la navigation est interdite entre 20h et 6h45. Nous retrouvons, au départ du petit trek qui nous mène au départ kayak, les Lafuma qui ont galéré en raft. A 22h00 nous sommes à la dark zone et nous nous réchauffons auprès du feu des copains d’Ertips également bloqués comme 6 autres équipes. Un bon ravitaillement avant de se jeter dans les duvets pour une courte nuit très  fraîche.


A 6h45 pétante nous nous élançons en kayak sur le Guil, puis la Durance. De nouveau de belles sensations sur cette rivière qui envoie. La vague du Rabiou permet à Oli et Sandrine de prendre un bain et on en termine toujours au contact de plusieurs teams. On voit nos premiers bidons d’assistance. On se change, transfert de ravito du bidon vers nos caisses qui sont à nouveau pesées et c’est parti pour un court trek, droit dans le pentu, que nous effectuons avec les Lafuma. On récupère les vélos pour la première vraie section de pédalage.

Quelques kilomètres vallonnés et nous nous retrouvons au pied du col de Parpaillon long de 10km. Les Lafuma roulent plus fort que nous et prennent le large petit à petit. La montée, même si elle est monotone, est magnifique. Sandrine qui a des ailes, aide Den’s qui souffre dans cette côte interminable. Nous atteignons enfin le tunnel et prenons une petite pause pour casser la croûte : Oli sort du fromage, du pain, des pralines… le photographe qui nous a suivi une bonne partie de la montée hallucine ! On traverse le tunnel et nous laissons porter par la longue descente de l’autre côté. Toujours un doute sur une route interdite ou pas qui nous impose un bon portage droit dans le pentu quant on voit nos adversaires emprunter sans scrupule la dite route… Un petit sentier à flan de montagne tranche avec la monotonie des grands chemins précédents et nous permet de vite rattraper les Suédois de FJS visiblement peu à l’aise dans le technique. On en profite pour en remettre une couche dans la descente suivante qu’ils font en courant à côté du vélo. Et ça remonte en face, d’abord sur un chemin où nos amis Suédois, qui quelques minutes avant faisaient mine de nous ignorer, nous suivent à la trace, puis sur un nouveau sentier sympa qui nous permet de prendre quelques centaines de mètres d’avance. On retrouve de la grosse piste et ne tardons pas à les voir débouler à 35 à l’heure : Oli nous avait prévenu…

Lac des Sagnes : transition pour un long trek. On démarre tranquillou et nos compagnons du moment nous doublent à un gros rythme, puis on revient sur eux et ils nous re-rattrapent pour finalement nous suivre. Au passage à proximité de la cime de la Bonette la nuit tombe et nous les laissons filer en courant alors que nous préférons continuer à marcher. Je sens le sommeil m’envahir… Il en est de même pour mes équipiers qui profitent de chaque micro pause pour s’assoupir. On fait l’effort pour passer plusieurs cols mais dans la longue descente suivante je n’en peux plus : je dors en marchant. Sandrine me surveille et me réveille par ses cris lorsque je quitte le sentier qui chemine dans un dédalle de rochers. Je veux atteindre la forêt pour faire un arrêt dodo car dans la montagne le fond de l’air est trop froid. Difficile ! On arrive enfin à une maison forestière et nous allongeons 30min. Au réveil il me semble voir et entendre les copains d’Ertips. On repart mais la difficulté à lutter contre le sommeil reste importante. On aperçoit des frontales ce qui nous maintien éveillés. La fin de la section me semble moins aisée en terme d’orientation : "contourner les marnes bleues" nous dit le road-book. Le choix me semble simple et je décide de passer entre les 2 gros ravins cartés. L’approche de nuit reste toutefois technique, je m’applique et trouve rapidement le passage. On descend la pente raide dans une forêt de buis. Je suis fier de moi, je me garde bien, malgré tout, de le dire à mes équipiers. On va tout simplement tomber droit sur le fond du vallon et la balise et faire ainsi un bond au classement. Mais là, tout d’un coup, la forêt s’arrête nette alors que nous sommes à quelques dizaines de mètres de la rivière, des marnes bleues infranchissables partout ! Je suis maintenant bien réveillé et cherche tant bien que mal un passage, mais il n’y a rien à faire la carte a bien évoluée et nous n’avons d’autres choix que de remonter. Je sens beaucoup de tension dans l’équipe. Mon choix que je croyais bon s’avère être une catastrophe. Nous remontons avec peine cette malheureuse forêt, mais mon plus gros souci est de savoir par où passer pour atteindre le vallon. Je suggère de monter sous les falaises et redescendre mais mes équipiers n’envisagent pas de devoir remonter à nouveau un tel calvaire. On hésite, je vais voir devant, mais de nuit difficile de savoir comment ça se présente en bas. On décide de dormir 25min pour attendre le levé du soleil. S’il nous apporte lumière ce dernier ne nous aide guère dans le choix à faire. La visibilité du bas du vallon reste moindre. Je propose 2 solutions : descendre sous les falaises au risque de devoir remonter, ou descendre vers le village par un sentier carté, éviter la route interdite et remonter le vallon en passant par l’aire de transition suivante pour rejoindre la balise. Ce deuxième choix est retenu et nous effectuons donc un long détour qui à le mérite d’être sûr. On trouve la balise puis redescendons à la transition. Nous avons perdu près de 3h, de l’énergie et surtout une bonne tranche de moral.

L’enchaînement en vélo débute par une montée raide. D’entrée mes douleurs au dos me font souffrir. Je commence à me poser des questions sur la suite… Heureusement, Oli, Den’s et Sandrine sont forts et m’ôtent rapidement de la tête ces idées noires. Suit un bon portage qui n’arrange rien à mon mal. Cependant nous revenons sur une équipe : les Suédois d’AXA. On les dépasse sans difficulté. La suite est superbe dans des pâtures de montagne où j’hésite un peu pour trouver l’iti conseillé dans le road-book mais ça le fait et on lâche les scandinaves. Vient alors ce que je qualifie de meilleurs passage du RIF 2012 : une descente exceptionnelle qui se termine dans des marnes bleues… on suit le cours de la rivière histoire de nous rappeler les plans galères signés Raid In France et on atteint le second point d’assistance où se trouvent les équipes avec qui nous étions à la bagarre avant notre erreur de la nuit à savoir Ertpis, les Suédois de FJS, les Suisses, les Espagnols, Lafuma. Alors oui on a perdu plus de 3h, mais on a aussi repris du temps sur le VTT suivant et oui c’est encore jouable de reprendre certaines de ces équipes. On refait les sacs et caisses, ravito : Den’s et Sandrine grignotent pendant qu’on fait, Oli et moi, un festin.  et dodo de 2h30.


Quand l’heure du départ sonne la nuit est tombée et c’est lampe vissée sur la tête qu’on emprunte le sentier d’accès au canyon. Balise, contrôle matos et on découvre Jan Beguin et son équipe arrêtée, on pense qu’ils ont écopé d’une pénalité pour matériel manquant. Il nous expliquera plus tard qu’un des membres de son équipe angoissait à l’idée de faire le canyon de nuit…
Craignant le froid dans ce canyon de nuit, nous nous appliquons à cheminer groupé et organisé afin de limiter les arrêts : ça se passe bien et on prend même du plaisir dans ces profondes gorges. Suit le gros rappel impressionnant même si de nuit. Puis un long cheminement dans le lit du Var pour rejoindre en milieu de nuit le départ du kayak.

Les 2 premières heures de navigation sont compliquées car nos éclairages commencent à être fatigués alors que le faible niveau d’eau nécessite une bonne lecture de rivière. Oli et Sandrine subissent plusieurs chavirages, évitant le  pire lorsque Oli se retrouve coincé contre une barre littéralement plantée dans le lit de la rivière. Le jour se lève comme une délivrance et nous terminons le kayak en appréciant plus l’instant. Le moral prend un coup de boost lorsqu’on aperçoit des équipes sur le départ du trek suivant.

On se change et nous élançons droit dans la pente. Les bonnes sensations sont de retour. Oli commence à se plaindre d’une douleur au tibia mais nous avons tous un moral d’acier. On double les Espagnols avant d’entamer la remontée d’un canyon sec puis plutôt humide. Nous terminons à un bon rythme et déboulons à la transition qui déborde d’équipes : Ertips, Columbia, FJS… nous avons récupéré nos 3 heures perdues 30h plus tôt ! On est à bloc !

Un petit café et on démarre une longue montée sur la route à VTT. On lâche rapidement les Espagnols et Ertips, puis revenons sur les Suédois qu’on ne tarde pas non plus à distancer. On avale la montée de 10km d’une traite sans même mettre une seule fois le pied à terre. La suite est plus délicate en orientation alors que la nuit approche. J’aimerai sortir de cette zone avant de ne plus y voir. On progresse toujours à un bon rythme et doublons dans un portage les Américains à la dérivent. Je fais le choix de contourner par le bas une crête rocheuse et nous rejoignons la piste qui est malheureusement en mauvais état et donc peu roulante. Sandrine galère un peu dans la descente mais on assure le coup. Changement de patte de dérailleur pour Oli et on déboule vers Saint Martin de Vésubie. Je fais une erreur de lecture et nous descendons un peu trop bas : 15min de perdues ! on repart et apercevons les lumières du village. La carte a été modifiée et je tente de coller au mieux à ces modifs mais nous ne trouvons pas le passage. Den’s dégote une trace qui nous amène dans le camping, mais il s’agit de la partie haute non accessible depuis la partie basse. On redescend dans le rentrant et je force toutes les traces possibles et imaginables au milieu de carcasses de bagnoles ou autres bidons d’huile pour finalement trouver le passage au forceps. J’ai la rage : on a fait une section d’anthologie pour galérer à quelques dizaines de mètres du village. Je fais d’ailleurs part de mon désarroi à Pascal qui est à Saint Martin. Il est 23h et se pose la question de prendre du repos. Denis et Oli pensent qu’il est préférable de profiter de l’abri du village alors que Sandrine ne se voit pas dormir ici. Oui, non ? Finalement on repart et nous arrêtons à la sortie du village pour 25min de sommeil. Le redémarrage est terrible : Oli et moi ne tenons plus éveillés alors que nous devons faire une dizaine de kilomètres de montée sur la route. Effort terrible que la lutte contre le sommeil. Je trouve finalement une solution efficace : 1km de sprint ; je me jette par terre et dors jusqu’à l’arrivée de mes partenaires et rebelote… On en termine finalement et découvrons à la transition les américains qui dorment. Les Espagnols ne sont pas arrivées (leurs caisses vélo sont vides) et les Suédois dorment également.

On s’échappe sur le trek qui doit nous faire traverser la vallée des merveilles. Si de mon côté le manque de sommeil est passé Oli souffre toujours terriblement s’ajoute à ça la douleur au tibia qui se fait de plus en plus sentir. Alors que le jour se lève, nous faisons un arrêt dodo de 12min au refuge de Nice et enchaînons. Oli n’est pas au mieux : je le vois les bras croisés arrêté au milieu du sentier. Je continue et me retourne à nouveau quelques secondes après : il est toujours figé. Je siffle, il lève la tête, surpris, comme si je l’avais réveillé et m’emboîte le pas. Il nous expliquera plus tard, qu’il était avec un groupe de randonneurs et qu’un guide leur expliquait les consignes à respecter dans le Parc… La vallée des merveilles se dévoile à nous. C’est magnifique ! On chemine au milieu de ces fresques… Oli souffre maintenant à chaque foulée, malgré tout on s’efforce de ne faire que de très rares poses. On aperçoit la dernière partie du trek et une équipe au loin : Lafuma…

La fin est rapidement avalée et alors que l’on se change pour la dernière grosse section à VTT, Béa nous dit qu’il faut être prudent, qu’il y a eu un accident… elle nous fait peur, on la serine pour en savoir plus et elle nous explique que Franck des Quech s’est endormi et a fait une sortie de route. Il a été évacué par hélico… il semble cependant que ce ne soit pas trop grave. Rrrraaa ! dur à encaisser… ça fait mal. Perso, ça avait été un peu mon moteur : savoir les copains de Raidlight devant à la bagarre, idem pour les Quech qui n’avaient pas besoin de ça.
Je tente de faire abstraction et m’applique à faire les bons choix. Nous nous sentons bien même si les fusibles commencent à se déconnecter parfois. On décide de rouler propre : lorsqu’on évolue sur un chemin, on se met à 2 de front pour se tenir éveillé. Si nous sommes sur un sentier on progresse toujours dans la même config (moi, Den’s, Oli et Sandrine) et ne prenons aucun risque : je suis chargé de descendre de vélo dès que nécessaire. Ça marche plutôt bien. Je mets un peu de pression pour sortir d’une longue progression sur sentiers avant l’arrivée de la nuit, ça passe. En arrivant sur une balise on aperçoit des bénévoles mais aussi et surtout Batiste, Jocelyn, Elisabeth et Manu de Lafuma ! Ils ont visiblement fait un somme et semblent surpris de voir là. On repart ensemble, l’ambiance est électrique, on comprend qu’ils tiennent à leur place et ne veulent pas la lâcher si proche de l’arrivée. De mon côté ça m’inquiète un peu de changer notre stratégie de progression « secure ». A la balise suivante, le départ du sentier est délicat à trouver. Ils partent vers le haut, ça me semble être plus bas, on revient sur nos pas et trouvons le sentier. Un moment je pense qu’on est devant, mais on aperçoit rapidement des frontales quelques centaines de mètres devant. Personne ne semble motivé et surtout en mesure d’aller faire la course. On laisse donc filer les oranges vers la place qu’ils méritent. La suite devient de plus en plus compliquée : je n’arrive plus à lire la carte en roulant et impose des arrêts à tous les carrefours. Il me devient même difficile de mémoriser la moindre information. A chaque arrêt, mes équipiers s’allongent au sol pour prendre quelques secondes de repos. Le stress m’envahit peu à peu, je ne sais pourquoi. Une longue descente où j’ai l’impression de laisser filer sans rien comprendre au rapport carte/terrain. Puis nous accédons à un village. Je m’affole ne trouvant pas le chemin qui mène au poste, je cours, à droite, à gauche… L’angoisse atteint des sommets quand Den’s nous explique avoir aperçu des frontales dans la descente derrière nous. Pas possible de se faire rattraper maintenant. La suite est tout aussi terrible, je ne suis plus capable de lire cette foutue carte et enchaîne les erreurs. Oli et Sandrine n’ont plus de lumière, je fulmine. Quand je crois avoir trouvé le bon itinéraire, on se trompe à nouveau… une horreur qui finit enfin lorsqu’on tombe sur le point de transition.

Même la descente dans le village pour atteindre le départ du kayak me parait technique en orientation ! Sur la plage, je me sens vidé. Les 5km de kayak se feront finalement en semi coma avec un bateau de l’orga qui nous suit et nous donne les consignes :
"pas trop près des rochers"
"pas trop au large…"
On aperçoit enfin l’arrivée et ça commence à vouloir dire quelque chose. Oli tient des propos incohérents auxquels Sandrine répond, tout aussi incohérente. La plage… on descend des kayaks… ligne d’arrivée… champagne ! C’est en crypté que je vis ces derniers moments de course. Je me souviens d’une émotion lorsque j’ai aperçu Nico et que mon cerveau à lentement effectuer la démarche de comprendre qu’ils avaient probablement arrêtés. Et puis ça retombe, et la mémoire revient. On évoque déjà les premiers souvenirs.

Une douche, une courte nuit de sommeil et on se réveille décomposé. Encore des émotions et des souvenirs lorsqu’on voit enfin les copains de Raidlight. On attaque alors la trilogie : miam-miam/dodo/rangement. On se rappelle aussi que certains sont encore en course… Après une vraie nuit, on se lève pour accueillir Lud, Jéjé, Phil et Paulo et profiter d’un bon gros petit dej.
Soirée de remise des prix simple, mais pleine d’émotions cachées pour beaucoup. Le raideur n’exhibe pas vraiment ses sentiments mais certains regards en disent long.
Il faut alors revenir à la réalité, en douceur mais sûrement.

Analyse sportive : je regrette de ne pas avoir pu conserver mon état de forme du mois d’août 15 jours de plus pour pouvoir être un élément moteur de l’équipe. Ça aurait pu faire des étincelles. Malgré tout, 6ème d’un championnat du monde, ça ne devrait pas nous arriver de sitôt, quoique.... Plus généralement, si, on retrouve devant les équipes qu’on attendait, les teams français en ont surpris plus d’un et ont prouvé qu’ils pouvaient se mêler à la bagarre. Bien fier !

Analyse sentimentale : une super tranche d’aventure partagée avec Oli, Sandrine et Den’s. On a été soudés, complémentaires, sans avoir à faire de fréquents rappels à l’ordre alors que les conditions et faits de course ne nous ont pas ménagés : tout ça laisse des traces indélébiles dans nos caboches. Merci les copains !
Merci également à Pascal et son armée de bénévoles qui ont effectué un travail immesurable pour mettre sur pied un championnat du monde made in France qui restera dans les têtes, dans ma tête, pour longtemps.

Enfin merci à Audrey qui m’a soutenu dans ce projet qui peut paraître bien futile à comparer des ennuis qui sont les siens en ce moment.