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Itera en Ecosse : Patience, Pluie et Premiers!

Vous l'attendiez? Il est là, le récit de nos aventures Écossaises! Profitez c'est Mlle Camille qui régale!!!!!

Itera 2019

"Oui, le ciel est en train de s'assombrir, mais au pire ils seront mouillés. L'aventure est à ce prix, c'est même leur but, se sortir de la torpeur des bureaux qui risquaient de les engourdir dans une confortable mollesse et les laisser sur le bord de leur vie " I. Autissier.

Lexique :
-la cabane : terme associé à une veste méga gore tex que nous avions choisi d'emporter. Le genre de veste qui fait 2 fois le poids d'une veste de trail mais qui devient ta meilleure amie quand les conditions s’en mêlent.
- les midges : petites mouches féroces attirées par le CO2 que nous rejetons. Le message de l'organisateur était clair : don't ever ever stop moving!
- push & kayak (si vous êtes familiers au bike and run le principe se ressemble : 50% du temps sur l'eau, 50% sur la terre : l'essayer ce n'est pas l'adopter mais une expérience à raconter à vos petits-enfants.

Le départ est donné le 10 août au matin, nous franchirons la ligne 93h plus tard. En chiffres cela représente 355km de VTT (dont un bonus de 20 bornes en aller-retour car l’Écosse c'est trop beau), 110km de trek et 105 km de push and kayak.

Une course en deux parties, dont il faut démarrer par ce qui en marquera le tournant, laissez-moi vous raconter ce qu'il s'est passé en cette 3ème nuit lors du trek des Five Sisters.

Le contexte : après une fin de premier trek (S4) pas terrible où nous perdons du temps sur un choix d’iti pas vraiment payant pour aller du cp16 au cp17, un arrêt dodo nécessaire de 3h 30 à la TA 4-5 pour se refaire la cerise, et une fin de S5 (vtt 140km) où on perd à nouveau 45’ pour faire l’aller-retour sur l’oubli du CP27, très bête… C’est le moral un peu au fond de nos cabanes que nous attaquons ce trek, 3h après Columbia, tout en sachant qu’une nouvelle course commence et que rien n’est jamais joué dans ce sport. Le départ du trek n’est pas rapide nous montons directement sur la crête par un vallon. Ben et Max s’endorment un peu, arrivés au sommet nous sommes accueillis par un très fort vent et un brouillard épais nous enveloppe ce qui réveille tout le monde. La progression est lente, la pluie commence à tomber puis redouble de violence. Nous enfilons tout ce que nous avons sur nous il ne nous reste que notre bivy bag dont Nico a suggéré plus tôt que nous le transformions en habit de secours en faisant 3 trous dedans.
L’humidité nous gagne, le froid me pousse à accélérer le rythme. Les gars suivent : on bourrine en montée, on court quand ce n'est pas trop technique. Mais sur cette crête étriquée avec un vent impossible qui nous balade, un brouillard rendant l'orientation compliquée et une pluie à l'horizontale, rien n'est évident, en plus nous n'avons dormi que 1h45 depuis le début de la course... La lucidité n'est plus au top ! Notre accélération répondait à cette envie : se réchauffer et en finir au plus vite.
Au petit matin, au détour de la crête voilà que nous tombons sur un bouc….. oui oui un bouc, il n’a pas trouvé d’endroit plus accueillant que cette crête battue par les éléments pour venir y faire sa sieste… on se rassure chacun en s’assurant quand même que ce ne soit pas une hallu mais on dirait que non.
Plusieurs heures passent ainsi, jusqu'à ce qu’au loin j'aperçoive une silhouette se découper dans le brouillard... Au milieu des Five Sisters, impensable! Surtout qu'hier à la même heure j'affirmais à Ben qu'il y avait une cabane à la place du rocher présent face à moi…. Je pense à une hallucination mais Max me confirme qu'il voit de même : "c'est Columbia tu crois ?". Nico est remonté comme un coucou, il accélère, nous échangeons deux mots et nous passons devant cette équipe que nous pensions envolée aux avants postes et qui semble hagard de nous voir en leur compagnie. Ils ont l'air fatigués et l'un d'entre eux semble boiter... Donc on met une petite sacoche pour essayer de les lâcher avant le CP qui arrive, mais ils nous collent, comme mon sur-pantalon mouillé me colle aux jambes.
Je vis ce moment comme si nous avions tiré la carte : « retour à la case départ. Plus d'écart, back in the game baby! » C'est grisant et ça nous ramène à la réalité : la course ! Ah oui c'est pour ça qu'on est là !
Nous arrivons sur un sommet avec un gros cairn qui correspondrait au CP que nous recherchons. Columbia est certain d’être au bon endroit, Nico nous confirme que l’altitude est la bonne, ça a l’air d’être bon, seul problème il n’y a pas de boitier !!! La tension est palpable chacun observe l’autre….Par sécu Nico prend en photo le cairn correspondant à la balise, un membre de Columbia nous imite. Discrètement, Benji nous fait part de ses doutes : l'orientation n'est pas juste, nous sommes sur la mauvaise crête, la bonne crête est juste en dessous, cachée par le brouillard et notre euphorie nous a trompés. C'est le moment de s'échapper, pendant que Columbia se croit au bon endroit et qu’ils ne soupçonnent pas notre tentative d’évasion : on les laisse faire, ils continuent dans leur idée et s’engagent pour descendre sur la mauvaise crête. On les laisse prendre 20 ou 30m d’avance puis filons discrètement en sens inverse, le brouillard est notre ami sur ce coup-là ! On compte sur lui pour nous aider et on s'échappe "comme Harry Potter avec sa cape d'invisibilité" : on est comme des gosses, on court à bloc (plus ou moins à 3km/h), Nico nous crie de ne pas se retourner mais je le vois se retourner toutes les 3 secondes!!! On fonce, on se cache, et on abandonne les leaders (sans rancune les gars !). Qu'est-ce que c'est bon !
On n'a plus froid, on descend puis remontons sur le bon sommet, ironie du sort, le boitier n’est pas là non plus, mais plus de doute possible Benji est formel : tout correspond ! Petite photo à l'appui nous continuons de nous échapper. Je me retourne et vois trois bananes à la place des sourires de mes équipiers. On sait qu'on vient de faire un bon coup, pourvu que ça tienne, pourvu qu'ils s'acharnent dans leur erreur ! Ahaha que ce sport est bon. On passe d'un état à un autre en quelques secondes...

Cet épisode s'est passé à la 72ème heure du raid, avant cela, nous avions enchaîné de belles péripéties.
On retiendra des trois premières sections (5km de trek, 20km de kayak et 110km de VTT) un début de course rythmé, rendu tendu par une orientation et un terrain difficiles en VTT où nous côtoyons les deux équipes avec qui nous allons jouer toute la course : Sweco et Columbia. Nous arrivons à la transition 3 avant la section push and kayak à 30 minutes de Sweco qui nous ont doublé plus tôt en mode "bourrin pas très ecolo" (pour plus de détails se référer à Maxime Brajon). Au passage, Merci Mathieu pour le petit bout de route échangé avant l’AT ! ;-).

Je retiens de cette section 4, (Kayak 55km, 600m+) du bonheur en barre : coucher de soleil 8 étoiles, une montée en slip jusqu'au Suilven qui nous permet de lancer la nouvelle collection été : gore-TeX / slip : au sec mais aéré, le style à toute épreuve. Cette stratégie de déstabilisation est optimale car nous comptons 25 minutes de retard sur Sweco au sommet et nous les verrons nous doubler un peu plus loin sur un portage. (Non non, rien à voir avec l'orientation au top du maître Monier). Alors que la nuit est claire on a aussi la chance de pouvoir observer des étoiles filantes qui nous permettent de faire le vœu de ne plus avoir à se farcir les bateaux sur le dos…. Ça ne marche pas….
On y vivra également des longs moments de galère, d'après Nico : "la plus dure de ma carrière de raideur", je vous laisse imaginer ce que nous avons vécu. Cette section est plutôt une longue séance PPG de 18h pour les gars, je peine à suivre Nico alors qu'il a un kayak de 50kg accroché aux épaules pour passer des cols dans des pierriers ou dans les fougères. Je suis impressionnée par la force de mes coéquipiers et je ne sais pas comment j'aurais fait sans eux. Cette section musclor ne tourne pas en notre faveur car on explose la roue d’un des chariots et que nos bateaux trop lourds (pas le même modèle de bateau pour tous) ne nous économisent pas.
On se fait enrhumer par Sweco et Columbia qui ont des chariots bien plus adaptés à ces portages très longs, néanmoins on réembarque juste derrière eux. Les 2 derniers fjords à traverser sont un enfer, la houle de coté en a pris pour son grade…. les seuls réconforts pour couper la monotonie sont quand on croise l’aileron de quelques dauphins, à moins que ce ne soit des phoques… personne n’est assez lucide pour être certain de l’un ou de l’autre, nous finissons péniblement cette section vers 13h et quelle délivrance de sortir les fesses du bateau!!

On effectue une transition rapide pour faire un petit canyon sympa mais frais… nous permettant de nous laver de tout le sel de mer qui nous pique les yeux et nous gratte, enfin une petite toilette.

Le trek (65km 3500m+) qui suit sera splendide avec des choix d'itinéraires plus ou moins payants, on est épatés de voir ce contraste : à 1000 mètres d'altitude on se croit en haute montagne alors que deux heures plus tôt nous étions en pleine mer. Devinettes, coca, histoires de kiwi sont de sortie pour tenir la nuit. Les premières hallucinations apparaissent. Il serait bien temps de dormir mais cela attendra la transition. Plus loin, alors que la nuit est tombée, on est observé, des petits yeux brillants partout nous regardent….. des biches! Des troupeaux entiers de biches et de faons éparpillés dans la montagne nous accompagnent sur ce trek monumental. Au passage on lâche Sweco dans la descente avant le CP15. La fin du trek est très longue, notre choix casse-croute entre 16 et 17 n’est pas là pour arranger les choses.

A la transition au petit matin, c’est « midges land » On y est obligés de monter notre tente et d’y rester 20’ dedans, du coup on décide de dormir 2h pour un arrêt total de 3h20, alors que Columbia s’est arrêté a peine 1h…, l’heure n’est pas aux transitions express, ça tombe bien on est défoncés et c’est peut-être ce qui va nous sauver. Ayant plus ou moins bien dormis, on repart en vélo pour 140 km, bien contents de se débarrasser de ses satanés bestioles. 5h où on reste à peu près secs, ça roule fort, alternant jolies routes et petits singles, puis on y prend la douche du voyage qui rendra nos chaussettes aussi étanches qu'une moustiquaire anti-midges. Cette section nous permet de visiter une superbe région : beaux cols, sentiers vtt au top, et en fin de section un château tellement beau qu'on décide d'y retourner pour le visiter (voilà la raison de notre aller-retour à la balise 27 !). Euh… non en fait on était tellement pressés d’en finir avec cette section dantesque, frigorifiés et trempés jusqu’à l’os qu’on n’a pas trop pris le temps de regarder la carte, seulement 2 croisements, du coup nous n’étions pas trop attentifs…. Ce n’est qu’à 500m de la transition que Nico s’en est aperçu…. Aaaarrfff

TA7-8, après avoir tué notre ravito avec un bon repas : lyoph, wraps, crèmes chocolat, coca, #remplitoi et s’être remonté le moral grâce aux filles présentes à la transition, (MERCIIIIII!) Nous partons équipés de nos fidèles cabanes pour les Five Sisters. La suite vous la connaissez….

TA8-9, On arrive à la transition en tête avec 2h15 d'avance sur Columbia, après avoir bien déliré avec les Ligeraid qui ont une patate d'enfer dans la descente, nous imposant un rythme impressionnant. Tous gonflés (au sens propre comme figuré) par la nuit passée, nous filons vers la fin du raid : plus qu'un kayak de 30km et un vtt de 70km, le tout avec une avance « confortable ».
Ce scénario est connu par les gars, et le souvenir de mondiaux avortés si près du but plane : on est prudents, on gère et on s'alimente. Le vent dans le dos nous régale sur le Lock Garry nous permettant même de prendre des mini surfs grâce aux vagues, génial !
La section rafting est une bouffée d'oxygène, on décompresse c'est chouette même si le manque de sommeil se fait sentir : lancer de pagaie, hallu, fous rires et dodo en pleins rapides… On finit la section à la nuit tombante par une petite dizaine de km sur le canal reliant le lac précèdent au Loch Ness avec 3 écluses à passer. A la sortie du bateau les filles sont à nouveau là pour nous booster, c’est top !

Dernière transition, on s’applique à rester zen et a bien se ravitailler, c’est dingue les calories qu’on brule avec des conditions météo comme ça ! Les vélos montés et le ventre plein nous nous enfonçons dans la nuit Écossaise une dernière fois.
Ce statut de leader est lourd à porter et la section qui vient moins évidente que prévue. L’orientation n’est vraiment pas facile, de plus le sommeil nous menace et Max peine à lutter. Nous empruntons des pistes très roulantes du coup on roule assez vite et il nous faut redoubler de prudence car même si nous sommes en tête, toute mauvaise chute ou casse de matériel anéantirait nos chances de victoire.
Max nous fait une petite frayeur quand sur une erreur nous rebroussons chemin, lorsque nous nous retournons, nous ne sommes plus que 3… Nico fait demi-tour, et le trouve qui fait sa sieste au bord du chemin… Bon, on s’octroie un stop de 15 minutes, puis un second 2h plus tard pour que tout le monde retrouve la lucidité nécessaire. Les Ligéraid nous reviennent dessus à la faveur de notre second stop dodo express puis ENFIN ! le jour se lève, mais notre confiance en la victoire s'estompe : il faut arriver vite, le manque de lucidité nous fait cogiter, on commence à douter de notre confortable avance…
La fin de la section semble interminable, mais enfin, les lumières d’ Inverness nous accueillent et nous nous rapprochons de celle que nous recherchions : elle est là, l’arche d’arrivée nous accueille à bras ouverts. C'est avec une grande émotion que nous la franchissons, accompagnés de nos proches et amis qui nous ont tant épaulés lors de cette épreuve ! Agnès, Lulu, Marie, Mathieu, Amélie, Audrey et bien sûr aussi Liv et Tess. Quel bonheur de remporter ce raid, quel bonheur de savourer ces instants avec vous tous !

Un raid difficile autant par la nature du terrain que par le dénivelé et la météo. Nous avons estimé 5h le temps passé les pieds au sec sur les 93h de raid et 80h dans nos cabanes. Nous avons dormi 1h45 sous la tente en tête à tête avec les midges et 15min sur un matelas d'épines de pin moelleux. (Max aura eu un rab de 15 min sur le dernier VTT et Benji de 30 min sur les nombreuses fois où nous l'avons surpris en flagrant délit de sieste sur le kayak : "maaaaais nooon je ferme juste un œil pour me protéger du soleil..." qu'il disait !
Un raid facile grâce à une super équipe qui a toujours été soudée, cohérente, où chacun a pu compter sur les autres. Merci les copains, pour votre bonne humeur, votre volonté et votre présence permanente.
Cette victoire est tellement belle, d'autant qu'elle est partagée, et puis c'est la première pour moi, une belle fierté. Merci aux filles et à Matthieu de nous avoir suivi, supportés, encouragés, boostés, et ce pas seulement pendant la course, mais au jour le jour, votre soutien nous est indispensable, même si ce n’est jamais facile, c’est pour partager des moments comme ceux-là que nous faisons ce sport…. merci, merci, merci !!!!
Merci les amis, merci Mme l'Ecosse vous êtes formidables.